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Présidence française du conseil de l’UE : quels impacts pour la finance ?

Le 9 décembre 2021, dans la salle de conférence de presse de l’Élysée, le Président de la République Emmanuel Macron et le secrétaire d’État aux Affaires Européennes Clément Beaune détaillaient les priorités françaises pour ses 6 mois de mandat à la tête de la présidence tournante du Conseil de l’Union européenne (UE).

Cette prise de fonction, loin d’être anodine, signifie ainsi que pendant 6 mois la France – à l’instar des autres États membres de l’UE comme la Slovénie qui l’a précédée et la République Tchèque qui lui succédera – aura la lourde tâche d’organiser et de présider les travaux du Conseil des ministres de l’UE sur une grande variété de sujets.


I: Rappel sur le rôle du Conseil de l’UE


À ce stade, la question que pourrait se poser l’attentif lecteur d’ESSEC Transaction est la suivante : quel est donc le rapport entre cette présidence française de l’UE et la finance ? Et bien ce rapport le voici: Le Conseil de l’UE – que la France a l’honneur de présider du 1er janvier 2022 au 30 juin de la même année – a un rôle de première importance dans le fonctionnement de l’UE puisqu’il est, aux côtés du Parlement européen, en charge de la négociation et de l’adoption de la réglementation européenne dans le cadre d’un processus dit de codécision.

Or, dans les nombreuses compétences dont disposent aujourd’hui l’UE, il y a notamment la mise en place d’une réglementation financière à l’échelle européenne afin de mettre en place l’Union des Marchés de Capitaux (CMU). Cette initiative vise à créer un véritable marché unique des capitaux au sein de l’UE facilitant de fait la circulation des investissements et de l’épargne en son sein. Pour ce faire, les États-membres se sont accordés sur la nécessité d’établir un cadre réglementaire commun et ont donc partagé avec les institutions européennes les compétences allant en ce sens.

Le rôle de l’UE dans le secteur financier étant donc prépondérant – de par l’impact des réglementations sur les marchés – celui de la France à la tête de la présidence du Conseil de l’UE l’est aussi, en particulier sur les thématiques suivantes.



II : Les grands sujets financiers du moment


La Présidence Française du Conseil de l’UE s’est ainsi axée sur 3 grands sujets désormais fondamentaux pour les acteurs financiers :

a) L’achèvement de l’Union des Marchés de Capitaux,

b) La poursuite des avancées en termes de finance durable,

c) La mise en place d’un cadre réglementaire adapté pour la Finance Numérique.

a) L’achèvement de l’Union des Marchés de Capitaux.

Comme évoqué précédemment, l’Union des Marchés de Capitaux est une priorité sur le long cours de l’Union européenne et la France – bien décidée à marquer et à se faire remarquer durant son mandat – souhaiterait réaliser un coup d’éclat en avançant de manière décisive vers l’achèvement de cette ambitieuse initiative.

Pour cela, la présidence française a souhaité mettre l’accent sur des avancées réglementaires d’envergure sur des textes considérés comme structurants pour la régulation de la finance européenne. Les équipes de Bercy s’activent ainsi – avec leurs homologues des 26 autres États-membres – sur des sujets tels que la révision de textes majeurs comme le règlement et la directive MiF (Market in Financial Instrument), les directives AIFM et UCITS (par ricochet) régissant respectivement les Fonds d’Investissements Alternatifs (FIA ou AIF) et les Organismes de Placements Collectifs en Valeurs Mobilières (OPCVM ou UCITS).


b) Une présidence volontariste sur la Finance durable ?

Le volontarisme affiché par le Président de la République sur les sujets de développement durable sur la scène nationale pourrait se voir également transposer sur les questions financières au niveau européen. En effet, un nombre important de textes structurants pour la Finance Durable pourraient aboutir durant les 6 mois de présidence française.

Le premier, et non des moindres au vu des passions déchaînées dans l’ensemble de l’UE, étant l’inclusion au forceps à la taxonomie verte du nucléaire et du gaz. Cet ajout par un acte délégué en date du 2 février dernier - qui devrait s’avérer définitif – ouvre ainsi la voie au financement, par les investisseurs à la recherche de projets durables, des activités nucléaires et gazières.

Moins controversé mais tout aussi important, le projet de directive CSR (Corporate Responsibility Sustainable) ayant vocation à renforcer les règles relatives à la transparence extra-financière des entreprises européennes fait partie des objectifs affichés de la France qui souhaiterait pouvoir conclure les discussions sur le sujet lors de son mandat. Parallèlement à cette initiative, la France pousse également pour faire avancer les discussions sur un autre texte d'envergure, le règlement ESAP (European Single Access Point), qui vise la mise en place d’un point d’accès unique pour l’ensemble des informations financières et extra-financières des entreprises européennes. Cette initiative permettrait aux entreprises et aux investisseurs un accès facilité à des informations de qualité, à moindre coût, transparentes et pertinentes facilitant leurs décisions d’investissements sans devoir obligatoirement recourir aux services des agrégateurs de données américains comme Bloomberg (réduisant l’exposition aux coûts importants de ces prestataires).


c) La Finance Numérique, la fin du Far West réglementaire ?

Enfin, la France qui s’est révélée plutôt pionnière en termes d’encadrement de la Finance Numérique – en particulier avec la loi Pacte du 22 mai 2019 et l’ordonnance AMF du 9 décembre 2020 – espère profiter de son mandat à la tête du Conseil des ministres de l’UE pour harmoniser les règles amenées à encadrer les marchés des cryptoactifs en Europe.

Le règlement MiCA (Market in Crypto Asset) est ainsi toujours en discussion au Parlement européen qui n’arrive pas à adopter – pour le moment – une position commune sur un très grand nombre de sujets. Pour n’en citer qu’un seul, les parlementaires européens s’opposent aujourd’hui encore sur l’interdiction ou non des crypto-monnaies basées sur un protocole dit de Proof of Work (communément appelé minage) comme le Bitcoin. Les parlementaires du groupe Vert insistant sur le coût écologique présumé de ces crypto-monnaies quand d’autres parlementaires mettent en avant la question de la provenance de l’énergie utilisée et non son application finale. Ces positions – aujourd’hui encore difficilement conciliables sur cet exemple comme sur d’autres – ont retardé les discussions sur ce texte et délayent d’autant les négociations inter-institutionnelles à venir et donc la future entrée en vigueur d’un texte pourtant nécessaire à l’heure de l’explosion du marché des actifs numériques. La volonté française est donc d’arriver au plus vite à un accord au niveau du Parlement européen sur le texte pour pouvoir faire converger les réglementations françaises et européennes.

Ainsi, si la Finance Numérique est demeurée longtemps dans l’angle mort des pouvoirs publics européens et des régulateurs du marché unique, la situation – sous l’impulsion de la France notamment – devrait évoluer dans les mois à venir sur le front des crypto-monnaies comme cela a pu être le cas sur celui des actifs numériques avec l’adoption formelle à venir du Régime Pilote réglementant les infrastructures de marché reposant sur la technologie DLT préfigurant une entrée en vigueur en 2023 pour une durée de 3 ans.


III : Le regard d’ESSEC Transaction sur le sujet


Dans le cadre de sa présidence du Conseil de l’UE, la France se doit d’être un acteur moteur de la régulation des marchés financiers ainsi que d’être force de proposition pour confirmer le statut européen de place financière incontournable. Cette nécessité est d’autant plus sensible depuis le Brexit, qui a dérobé à l’Union européenne une place financière majeure : La City.

L’Union européenne abrite malgré tout des places financières d'envergure, avec les places de Paris, d’Amsterdam ou encore de Francfort. Cependant, cette dernière souffre de diverses formes de retard comme l’explique Elie Cohen dans son ouvrage “La valse européenne - Les trois temps de la crise”. En effet, l’Union européenne s’est structurée de façon à pouvoir peser face aux géants de ce monde mais c’est paradoxalement cette même structure qui est à l’origine de sa lenteur. La France se doit donc de profiter de son statut en lançant des initiatives d’envergure européenne. Cette dernière est par exemple parvenue à obtenir un engagement franco-allemand à verser 1 milliard d’euros chacu