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Italy: a new challenge or a new denial for the Eurozone? (EN/FR)

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L’Italie : nouveau défi ou nouveau déni pour la zone euro ?


Le fait que l'Italie soit en crise depuis 2008 semble évident au premier abord. L'Italie fait partie de la « grande crise » du capitalisme mondial, qui a commencé aux États-Unis avec la crise dite des « Subprimes » à l'été 2007. Le pays a également été pris dans la crise de la « dette souveraine » européenne, qui a débuté en 2009-2010 avec la révélation par le nouveau gouvernement grec de leur déficit public réel. Lorsque la croyance des marchés financiers en l'égalité des risques liés à la dette publique émise par les différents pays de la zone euro a disparu, la dette publique italienne semblait risquée à détenir.

Le niveau des taux d'intérêt de la dette publique italienne consiste donc en l'un des principaux indicateurs de la gravité de la crise européenne. L'écart entre ce taux et celui de la dette publique allemande devient l'un des signaux qui annoncent soit la fin imminente de la zone euro, soit sa survie (entièrement dépendante de la volonté politique).

Ainsi, il y a dix ans, le 26 juillet 2012, Mario Draghi, alors président de la BCE, déclarait lors d’un discours à Londres : « Dans le cadre de notre mandat, la BCE est prête à faire tout ce qu'il faut pour préserver l'euro. Et croyez-moi, ce sera suffisant ». Ce fameux « tout ce qu'il faut » est entré dans l'histoire. Avec ces mots, Mario Draghi va faire comprendre à la BCE et montrer au monde financier que les outils les plus efficaces sont ceux qui n'ont pas besoin d'être utilisés, leur existence même dissuade. Plus encore, la possibilité de créer tous les outils qu’il faudrait à la BCE pour préserver l’euro pourrait dissuader ceux qui souhaitent l’attaquer.

Seulement les récents gros titres concernant l'Italie font craindre que l'histoire ne se répète. Aujourd'hui, au regard d’une Italie plongée dans un marasme économique qui ne va que de récession en stagnation depuis 10 ans, Draghi est plus susceptible de se demander ce qu'il faudrait faire pour remettre l'Italie sur les rails.



I – Les causes de la crise italienne


La crise italienne a bien sûr une composante politique : en juillet dernier, la démission du premier ministre, Mario Draghi – ancien président de la BCE et garant de la monnaie unique – a fait vaciller la dette de l’Italie. En effet, la situation économique du pays est délicate, du fait d'une dette publique très élevée (environ 120% de son PIB) et classée troisième dans le monde derrière la dette américaine et japonaise.

Mais la crise italienne puise principalement sa source dans la situation économique du pays et dans les déficiences institutionnelles de la zone euro. Depuis janvier 2015, la BCE rachète sur le marché secondaire la dette publique émise par les Etats membres de l’euro qui a conduit à une baisse inédite des taux jusqu’à aujourd’hui. Inflation oblige, cette politique de rachat de dette [appelée Programme d'Achats d'Actifs classiques (PAA)] a pris fin cette année. Ce resserrement monétaire de la part de la BCE, également caractérisé par une hausse de ses taux directeurs, fait ressurgir la menace de fragmentation, avec comme principale inquiétude cette fois-ci, l’Italie.

Ces annonces ont suscité l’inquiétude et la défiance des marchés financiers. La montée des taux souverains italiens en est la conséquence. Cela a créé des doutes sur la solvabilité de l'Italie et sur la capacité des institutions européennes à y faire face. Plus grave, dans un contexte de normalisation de la politique monétaire de la BCE, de dette élevée et d’un ralentissement de la croissance, l'écart de taux appelé "spread" entre les taux italiens et allemands s’est fortement creusé, évidemment en défaveur des Italiens.




Source: Bdor



II – La dette italienne prise d’assaut par les hedge funds


L’arrêt récent des politiques d’achats massifs de titres de la BCE [fin du PAA et du PAUP (Programme d'Achats d'Urgence face à la Pandémie)] pose à nouveau la question de la soutenabilité de la dette publique italienne. Pour autant, la BCE ne peut pas se permettre une nouvelle « crise de la zone euro ». Et c’est par une curieuse coïncidence, le jour où le procès-verbal de la réunion de politique monétaire de la BCE des 20 et 21 juillet a révélé les détails de l'approbation unanime d’un nouveau bouclier anti-spread pour palier la fin du PAA, que la plus grande campagne spéculative contre la dette italienne depuis la crise financière mondiale de 2008 est apparue.

Selon le Financial Times, qui cite des données de S&P Global Market Intelligence, un groupe de hedge funds a emprunté des obligations italiennes pour une valeur totale de plus de 39 milliards, en pariant sur une chute des prix. Le journal n’a pas pu avoir accès à la liste exhaustive des hedge funds en question. Néanmoins, Michael Hintze, fondateur du hedge fund londonien CQS, dont on sait notamment qu’il a profité de la situation financière de l’Italie pour la shorter déjà en début d’année 2022, pourrait tout à fait faire partie du groupe. CQS n’a pas voulu répondre à ces allégations. La thèse du journal est que les investisseurs spéculatifs, inquiets de l'agitation politique croissante à Rome et de la dépendance de l'Italie à l'égard des importations de gaz russe, se préparent à « shorter » le pays. C'est-à-dire vendre des obligations d'État italiennes qu'ils ne possèdent pas encore mais qu'ils ont empruntées, en anticipant une baisse des prix, afin d'encaisser la différence (processus financier de “short positions”). Si l'Italie n'est pas le seul pays à importer du gaz de Russie, elle est certainement parmi les plus vulnérables en raison de son énorme dette publique qui en fait une proie facile pour les spéculateurs.





III – L’Italie et la Grèce : des destins croisés ?


A – La situation de l’Italie, dix fois pire que la crise grecque ?

L'Italie verse déjà 65 milliards d'euros tous les ans au seul titre des intérêts de la dette qu'elle détient, mettant le système bancaire italien en danger et fragilisant l'ensemble du système européen. C'est potentiellement la situation de la Grèce multipliée par 10. En effet, si la dette de la Grèce était de 331 milliards en 2010, celle de l'Italie aujourd'hui est de 2 263 milliards d'euros !

Les risques de voir l’Italie devenir la Grèce des années 2010 sont néanmoins inférieurs. La Grèce est en train de sortir de 10 années de surveillance renforcée. Cependant, la Grèce représentait moins de 2% de la richesse produite dans la zone euro quand elle a failli en sortir en 2015. L’Italie c’est dix fois plus (troisième économie de l’Union européenne).

In fine, la BCE agit pour éviter à la dette italienne de s’enfoncer. L’Italie sera un des principaux bénéficiaires des efforts de relance de l’Union européenne, avec 200 milliards d'euros (à recevoir) dans le cadre du plan de relance et de résilience de la Commission européenne. Mais la péninsule devra également rendre des comptes en son sens. Les premiers résultats de cet effort donnent une lueur d’espoir avec une croissance économique de 0,5 % enregistrée cet été pour le pays.


B – Comme la Grèce, l’Italie contrainte de céder son service public pour financer sa dette massive

La financiarisation des dettes souveraines se traduit, via les politiques d’austérité, par la vente de services publics. Mais si cette vente est impulsée par les acteurs qui détiennent la dette souveraine, alors elle se fait au bénéfice de ces mêmes acteurs qui acquièrent une part des services publics. Ce faisant, des fonds de pension, des banques internationales, des hedge funds, etc. achètent du foncier qu’ils peuvent affecter aux usages et populations qu’ils privilégient. Ainsi l’Italie s’efforce de vendre (sinon brader) son service public pour financer sa dette. Tout y passe : ports, électricité, barrages, réseau ferroviaire, aéroports…


C – Italie : Too Big to Fail par rapport à la Grèce ?