Comprendre la crise des marchés énergétiques en 5 min...(EN/FR)
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Comprendre la crise des marchés énergétiques en 5 min...
Les marchés débordent d’énergie !
Cela fait plusieurs mois que le cours des combustibles fossiles (gaz, pétrole, charbon…) grimpe en flèche. La crise inquiète États comme industriels, dans un contexte survolté de reprise économique et de tension des taux d’intérêt.
Le coupable, c’est lui : le gaz naturel. Le marché mondial flambe littéralement, y compris en France. Le tarif réglementé d’ENGIE du gaz a bondi de +57 % depuis le début de l’année. C’est la plus forte hausse en France depuis 2013. D’autant que notre pays n’en produit pas et importe toute sa consommation.

Sur une année complète, le prix du gaz au comptant sur le marché de gros de Rotterdam (Dutch TTF-Future) a augmenté… de +500%. Et les prix culminent aussi sur les marchés d’Amsterdam, d'Anvers ou de Zhengzhou. Des hauteurs « absurdes » pour nombre de traders. Pour comparer ces chiffres avec le pétrole, à intensité énergétique équivalente, c’est comme si le baril de brut valait 175$. Sachant que le record absolu du Brent est d’environ 147$, atteint en 2008 !
La fièvre s’est contaminée naturellement aux deux autres hydrocarbures que sont le pétrole et le charbon. Le WTI est monté cette semaine à son plus haut point depuis octobre 2014, et le Brent est aussi bien parti pour retrouver également les sommets. Quant au charbon, les cours ont connu une hausse de +117 % depuis le début de l’année. Record historique : la tonne de charbon au port de Newcastle en Australie (indice de référence) dépasse en ce moment les 200$ !

Une origine multifactorielle
Comment expliquer cette hystérie ? Plusieurs raisons sont à déceler.
D’abord, la reprise économique mondiale, donc une demande qui repart à toute allure, notamment en Chine. L’offre peine à satisfaire la demande, alors que l’extraction de gaz tourne à plein régime aux Etats-Unis. D’autant que les conséquences du COVID-19 se font encore sentir : retards d’approvisionnement, baisse de la production, fermeture du port de port de Ningbo-Zhoushan…
Ensuite, le climat : l’hiver passé a été long et rigoureux et l’été chaud, entraînant une forte consommation de chauffage et de climatisation. D’où des stocks d’hydrocarbures faibles. À cela s’ajoutent de nombreux aléas dans le monde entier, comme les pluies diluviennes en Indonésie, Inde et Chine, qui ont inondé de nombreuses mines de charbon.
Enfin, un manque certain d’investissements au sein d’une Europe pressée d’accomplir ses objectifs de neutralité carbone à l’horizon 2050. Cependant, en fermant ses centrales à charbon ou nucléaires, l’Union Européenne est devenu très dépendante des pays extérieurs pour le gaz. Elle s’approvisionne en grande partie grâce à la Russie et notamment Gazprom, que certains accusent de limiter volontairement la production. En parallèle, Groningen (Pays-Bas), le plus gros gisement de gaz européen, va fermer à cause de risques sismiques. Et en incitant les autres pays à abandonner le charbon, elle s’est créée de sérieux concurrents au gaz naturel.
Quelles conséquences ?
C’est d’abord un coût de l’électricité gigantesque pour les entreprises et les particuliers. Même pour la France, qui produit pourtant l’électricité la moins chère d’Europe.

Les besoins électriques des entreprises industrielles sont principalement couverts par des contrats de l'ARENH d’EDF ou de long terme à prix fixes. Restent cependant 20% à 30% de besoins à couvrir, indexés sur le prix des marchés de gros. Car l’électricité ne pouvant être stockée, son prix suit le mécanisme du « merit order », qui permet de faire correspondre l’offre énergétique à une demande volatile. Le prix de gros au KWh est, dans ce mécanisme, celui de la dernière unité de production nécessaire pour répondre à la demande. Les énergies ayant un faible coût marginal variable sont d’abord appelées (renouvelables et nucléaires), d’autant que fonctionnant respectivement par intermittence et en continue, elles ne peuvent être stockées. Lorsque la demande devient plus forte que ce que ces énergies peuvent fournir, les hydrocarbures au coût marginal élevé – que l’on peut stocker, démarrer et arrêter plus aisément – sont appelés pour combler et ajuster l’offre à la demande. C’est donc actuellement le prix du gaz qui définit le prix de gros de l’électricité, même en France, malgré une électricité à 70% d’origine nucléaire, décarbonnée et abordable.
Résultat, en six mois, le prix de l’électricité à un an a quasiment triplé, atteignant 110€/MWh – du jamais vu ! Un coût qui se répercute sur les prix de vente quand c’est possible, ou alors que doivent supporter les entreprises. Beaucoup de PME étouffent. L’Union des Industries Utilisatrices d'Énergie (UNIDEN) estime que cette hausse des prix coûtera 1 milliards d’euros à l’industrie française, soit des coûts d’électricité bondissant de +30%.
La suite logique de cette crise est la flambée du prix des matières premières, avec des fonderies tournant au ralenti, comme chez le métallurgiste belge Nyrstar. D’où une offre faible, et des métaux qui atteignent ou dépassent leurs records historiques sur le London Metal Exchange (LME), notamment le cuivre, l’étain, le palladium, le zinc, le nickel. Les inventaires de cuivre sont au plus bas niveau depuis…1974 ! Même son de cloche pour l’aluminium, qui bondit de +70% en un an, en partie à cause de la fermeture des centrales à charbon en Chine. Pour rappel, l’aluminium représentait quasiment 7% de la consommation chinoise totale d’électricité en 2020. Des métaux importants, car très employés dans… les énergies renouvelables. Hors métaux, rien n’est épargné non plus par la pénurie de l’offre : l’avoine, le coton, la pâte à papier, le café, le bois… Au Brésil, le prix de pétrole pousse à utiliser plutôt la canne pour produire de l’éthanol. Moins de canne disponible, d’où un cours du sucre qui s’envole.
La peur d’un « black-out » effraie, comme en Inde – qui ne possédait que 4 jours de stocks de charbon début octobr